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Trois questions à Antoine Djikpa, Président d’une association de généalogistes qui recherchent les héritiers des juifs spoliés

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Crif 20 May 2016
Propos recueillis par Stéphanie Dassa

"Il n’y a pas d’autre alternative que d’explorer inlassablement et longuement les archives publiques et privées".



Le 9 mai dernier,  la Ministre de la Culture et de la Communication a restitué aux ayants droits de Maurice Dreyfus un dessin de Degas qui lui avait été saisi dès l’été 1940 et estampillé « MNR » jusqu’à sa récente restitution. Derrière cette issue heureuse, il y a une véritable enquête pour retrouver les héritiers et un long travail de recherche mené par des experts, les Généalogistes de France, Leur Président, Antoine Djikpa, a accepté de répondre aux trois questions de la newsletter du Crif.
 
Vous êtes actuellement acteur d’une histoire tout à fait singulière : la recherche d’ayants droit de juifs spoliés sous l’occupation nazie et la collaboration française. Comment ces requêtes vous sont-elles parvenues ?
 
A dire vrai, il y a fort longtemps que notre profession est sensible à cette question. Mais si nous avons pu formaliser un accord avec l’Etat en 2015,  c’est grâce à la volonté exemplaire des pouvoirs publics,  qui ont jugé qu’il était désormais préférable de rechercher les ayants droits plutôt que d’espérer qu’ils se manifestent. C’est aussi grâce à la perspicacité de M Hervé Lemoine, Directeur des Archives France,  qui  a proposé  de faire appel à notre expertise qu’il savait unique.
 
Pratiquement comment les Généalogistes de France s’y prennent-ils ? Ces recherches là sont-elles plus complexes que les autres ?
 
Il n’y a pas de recette miracle ! Comme toujours pour identifier des ayants droit, il n’y a pas d’autre alternative que d’explorer inlassablement et longuement les archives publiques et privées afin de retisser en toute sécurité les liens familiaux. Les généalogistes sont habitués aux recherches complexes. C’est même leur raison d’être ! Reconnaissons néanmoins que  dans le cadre des ayants droit de propriétaires spoliés, nous nous heurtons parfois à des difficultés spécifiques tenant à la fois à l’extermination de familles entières dans les camps de concentration, à la  très grande dispersion géographique des ayants droit , sans parler des changements de patronymes et  de l’impossibilité d’accéder à de précieuses  sources d’informations en raison de la politique de destruction systématique de l’état-civil juif par les nazis dans certains pays ou des ravages de la guerre.
 
Les Généalogistes de France ont décidé d’apporter leur savoir faire gracieusement au Service de l’Etat ? Qu’est ce qui a motivé cette démarche de mécénat?
 
Notre profession a voulu avant tout apporter sa contribution  à une œuvre de mémoire et de justice. Elle connait les blessures des familles. Notre travail nous conduit à associer l’histoire des familles à la grande Histoire. Nous en sommes donc les témoins et nous mesurons à travers nos investigations les terribles souffrances endurées. Lors de la première restitution d’une œuvre d’art, nous avons pu mesurer  l’émotion de ceux qui, pour la première fois,  touchaient l’œuvre ayant appartenu à leur parent disparu. Comment ne pas s’en émouvoir et ressentir une impression de fierté ? Ce partenariat avec l’Etat constitue également une opportunité assez exceptionnelle pour mettre en valeur le savoir faire de notre profession. Il reste  trop largement méconnu alors que la preuve est faite une fois de plus de son indiscutable utilité.

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