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Dijon : les œuvres d’art volées aux Juifs sont parties du dépôt de Perrigny

1998
1970
1945
Bien Public 21 November 2013
Bt Anne-Françoise Bailly

Jean Vigreux, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne. Photo A.-F. B.

Jean Vigreux, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne. Photo A.-F. B.

Début novembre, les autorités allemandes annonçaient que 1 406 dessins, aquarelles, lithographies, ou tableaux, ont été retrouvés dans l’appartement de Cornélius Gurlii, fils d’un grand collectionneur d’art qui avait collaboré avec les nazis en écoulant à l’étranger des œuvres volées aux Juifs, pendant laSeconde Guerre mondiale. Y-aurait-il parmi celles-ci quelques-unes provenant de Dijon ? C’est possible…

Vers l’Allemagne

« L’ancien “dépôt de Dijon- Perrigny”, devenu aujourd’hui le dépôt tram-bus de l’agglomération dijonnaise, abritait, dans certains de ses hangars, des œuvres d’art pillées au Juifs de Dijon », affirme Jean Vigreux, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne. « Dans ce centre de triage, une partie de l’armée allemande surveillait ce qui avait été volé, pillé, spolié. Tout cela partait directement en Allemagne ! »

Évidemment, il s’agit des plus belles pièces, saisies avant que l’administration française ne fasse sa besogne. Créé par la loi du 23 mars 1941, le Commissariat général aux questions juives était chargé de fixer les dates de liquidation des biens juifs, et de désigner des administrateurs. À Dijon, une multitude de commerces et de biens ont été « aryanisés » et vendus à bas prix, et les bénéfices versés à la Caisse des dépôts et consignations, institution financière publique de la France créée en 1816.

La Direction de l’aryanisation économique (D AE), le plus important service du commissariat, était chargée de l’exécution des mesures économiques prises contre les membres de lacommunauté israélite. Ainsi, plusieurs dizaines de commerces ont été confisqués à Dijon. Aucun chiffre précis ne peut être avancé pour l’heure, car les historiens ne se sont pas encore penchés sur cette question.

L’aryanisation à Dijon

On sait par exemple que le préfet a pris un arrêté le 15 juin 1942 indiquant avoir désigné un administrateur pour contrôler l’aryanisation d’entreprises juives situées à Dijon, rue Musette, rue Piron, rue Stephen-Liégard, rue Millotet, rue Claude-Bouchu, avenue Victor-Hugo (1)…

Le 1er janvier 1945, le Service de restitution des biens et victimes des lois et mesures de spoliation fut créé, et des biens restitués parfois au terme de procédures judiciaires longues et difficiles. « Des administrations ont parfois défendu avec âpreté l’acquisition de biens spoliés, comme par exemple les Eaux et forêts », assure Jean Vigreux.

En 1997, le Premier ministre Alain Juppé confie à Jean Mattéoli la présidence d’une mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France de 1940 à 1944.

Cette commission a établi que 330 000 Juifs avaient été spoliés : comptes bancaires, coffres bloqués, procédures d’aryanisation, objets d’art...

Cette commission a aussi établi que la restitution d’après-guerre avait été importante, mais incomplète, la partie restant à indemniser dépassant la centaine de millions d’euros. Et que les restitutions effectuées à la Libération ont surtout bénéficié aux grandes entreprises, tandis que les tailleurs, brocanteurs, et petits commerçants ont été purement et simplement rayés des registres du commerce et des métiers…

À Dijon, le service des archives départementales, qui ­centralise les documents de l’époque, a été saisi par la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliation intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’occupation , pour donner d es renseignements sur une famille, dont des héritiers ont récemment initié une procédure.

À Dijon, comme partout en France, les biens de familles et de personnes juives, disparues dans les camps de concentration, n’ont jamais été réclamés. Et certains en ont bien profité.



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