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Le musée Mandet de Riom détient cinq tableaux spoliés sous l’Occupation - The Mandet Museum in Riom has five paintings looted during the Nazi occupation of France.

1998
1970
1945
La Montague 10 November 2016
Par Axel Chouvel

Le musée Mandet dispose de cinq tableaux spoliés par les Nazis sous l’Occupation. L’occasion de revenir sur cette politique du III e Reich avec Françoise Fernandez, présidente des Amis des musées de Riom.

Françoise Fernandez devant son tableau préféré : une hollandaise du XVII  siècle peinte par Floris Van Schooten. Elle avait été échangée contre trois Matisse et  un Corot.

 

Quatre peintures flamandes et une française sont au musée Mandet (voir encadré). Trois sont exposées dans la galerie du musée. On ne sait pas à qui elles ont appartenu avant la Seconde guerre mondiale.

Combien d'œuvres d'art ont été spoliées par les Nazis en France sous l'Occupation ? Ce fut un hold-up. Plus de 200 collections et 30.000 objets (tableaux, livres, dessins, gravures, trophées, objets de valeur). Environ 4.170 caisses remplies de ces œuvres ont quitté la France pour l'Allemagne entre 1941 et 1944.

Quand cette politique de spoliation a-t-elle été mise en place ? Dès 1939 en Europe, lorsqu'un certain Hans Posse (galeriste de Dresde) a pour mission de collecter des œuvres d'art alémaniques dans les pays envahis par la Wehrmacht. En septembre 1940, le général Keitel, haut commandant des Forces armées à Paris, confisque sur ordre d'Hitler les objets précieux des juifs pour les transporter en Allemagne. L' Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR), dirigé par le théoricien du Nazisme Alfred Rosenberg, était le bureau chargé de rafler tout cela.

Les Nazis recherchaient-ils des œuvres particulières ? Hitler voulait faire construire un gigantesque musée à Linz, le Führermuseum , pour y accueillir les œuvres de l'art allemand qu'il opposait à « l'art dégénéré » de la modernité. Mais en coulisse, les Nazis échangeaient ces œuvres qu'ils vouaient aux gémonies contre des peintures alémaniques des XVII e et XVIII e siècles. Ces échanges de tableaux de Matisse ou encore Picasso étaient effectués par des collectionneurs comme Hildebrand Gurlitt (*).

Connaît-on le profil des propriétaires spoliés ? Essentiellement des grands marchands d'art juifs qui disposaient de collections privées. Parmi les plus connus, la famille de Rothschild. Les musées nationaux ont aussi été touchés. L'État français a cédé des statues républicaines en fonte, fondues pour l'industrie de guerre allemande.

Quel a été le rôle du régime de Vichy ? Vichy a collaboré dans le pillage des collections de juifs. Une grande partie a été entreposée dans la gare d'Austerlitz. L'armée allemande s'est alors servie pour meubler les ministères du III e Reich. Les meilleurs tableaux étaient destinés à Hitler et à ses proches. Cette politique a aussi été favorisée par l'« aryanisation des biens juifs » que Vichy a mise en place par la loi du 22 juillet 1941. Beaucoup de tableaux ont aussi été livrés par l'intermédiaire de Pierre Laval, qui était soucieux des bonnes relations avec l'Allemagne. Mais il y a eu aussi la volonté dans certaines administrations de limiter les dégâts en ce qui concerne les collections publiques. Par exemple, Pétain a fait beaucoup pour sauver la bibliothèque de l'université de Strasbourg.

La Résistance a-t-elle participé au sauvetage d'œuvres ? Ce n'était pas au cœur des préoccupations de la Résistance armée. Il y a tout de même eu l'acte héroïque en 1943 du groupe La Fayette en Haute-Loire Il avait déboulonné et caché la statue du général La Fayette au Puy-en-Velay, qui devait être fondue pour l'industrie de guerre allemande. Mais c'est surtout les rôles de Jacques Jaujard, directeur des Musées nationaux, et Rose Valland, conservatrice du musée du Jeu de Paume, que l'on connaît aujourd'hui. Le premier a tout fait pour barrer la route aux hommes de l'ERR et a caché des objets. La seconde a dressé un inventaire des collections qui sont passées par son musée. Cette liste a été inestimable pour retrouver des œuvres après la guerre.


es Alliés se sont-ils « servis » pendant la guerre ? Ce qui est sûr, c'est que les Soviétiques ont pillé partout où ils étaient passés. En ce qui concerne les Alliés, les estimations sont approximatives. Mais il est difficile de croire que les GI's aient été insensibles à ce qu'ils trouvaient notamment les lingôts d'or.

Comment les cinq tableaux sont-ils arrivés au musée Mandet ? Après la guerre, les ministères qui détenaient des tableaux les vendaient pour financer les pertes dues aux réparations de guerre que devait payer la France après la défaite de 1940. Mais on a remarqué qu'une autre spoliation se déroulait, puisque des proches de ministres de la IV e République les achetaient à des prix dérisoires. On a donc arrêté en 1953. Les musées nationaux les ont donc récupérés dans leurs dépôts. Ces œuvres sont alors identifiées comme des « Musées Nationaux Récupération » (MNR). Le musée Mandet a donc reçu entre 1953 et 1955 ces cinq tableaux (lire ci-dessous).

Ont-ils appartenu à des dignitaires nazis ? On ne le sait pas. Ce qui est sûr, c'est qu'ils ont été achetés par des collectionneurs allemands. Notamment Hildebrand Gurlitt. Un seul tableau est passé par Linz et était destiné pour le Führermuseum. Il est probable que certains étaient pour Hermann Goëring.

Des propriétaires retrouvent-ils leurs tableaux aujourd'hui ? Depuis une quinzaine d'années, il y a eu des évolutions. Par exemple, la création de la Mission Mattéoli, à la suite du discours de Jacques Chirac sur la Rafle du Vel d'Hiv en 1995. Elle préconise que toute vente doit être répertoriée et fait des propositions sur l'indemnisation des familles juives spoliées. Le ministère d'Aurélie Filipetti a enclenché une politique plus volontariste sur la restitution des œuvres d'art confisquées. Et Fleur Pellerin l'a suivi en rappelant ce que sont les MNR.

(*) En 2012, environ 1.280 tableaux sont découverts dans l'appartement de son fils Cornélius Gurlitt. Des œuvres de Matisse, Delacroix ou encore Matisse qui avaient été amassées par son père.

Hercule et Omphale.? Peinture à huile sur toile du XVIIIe siècle d’un peintre anonyme de l’École française. Elle a été acquise en France par un marchand d’art allemand du nom de Gustav Rochlitz. Il a été déposé à Riom en 1953.

Hercule et Omphale

Jeune fille à la fenêtre.?Peinture à huile sur toile de la deuxième moitié du XVIIe siècle par le peintre hollandais Ferdinad Bol (1616-1680) à Amsterdam. Elle a été acquise à Paris en 1941 par le marchand d’art allemand Karl Haberstock. Elle est revendue en Allemagne en 1942 au musée de Linz. Elle fut déposée après la guerre au musée Mandet en 1953. La Boutique de barbier.? Peinture sur bois du XVIIe siècle par le peintre hollandais Quirijn van Brekelenkam (v. 1620-1688). Elle a été achetée en France à un collectionneur privé par Hildebrand Gurlitt en juin 1944 et était destinée au Führermuseum de Linz. Elle a été déposée au musée Mandet en 1954.

Nature morte aux fruits. Peinture sur bois de l’École hollandaise du XVIIe siècle par Floris Van Schooten (mentionné à Haarlem entre 1612 et 1655). Acquise par Gustav Rochlitz peu de temps avant la guerre, le marchand l’échange avec l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg à Paris contre trois tableaux d’Henri Matisse et un de Jean-Baptiste Corot. Le tableau est déposé au musée Mandet en 1955.

Nature morte. Peinture à l’huile sur toile du XVIIe siècle par le peintre hollandais Vincent van der Vinne (1629-1702). L’historique du tableau est non retracé à ce jour. Il a été déposé au musée Mandet en 1953.

http://www.lamontagne.fr/riom/loisirs/art-litterature/2016/11/10/le-musee-mandet-de-riom-detient-cinq-tableaux-spolies-sous-loccupation_12147893.html
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