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L’art, butin de guerre : un cas concret de spoliation

1998
1970
1945
Le Monde 17 August 2017
Par Emmanuelle Polack

L’historienne d’art Emmanuelle Polack relate l’une des principales ventes spoliatrices effectuées en France durant la seconde guerre mondiale, celle de la collection d’Armand Isaac Dorville.

Une simple étiquette apposée au revers d’un tableau découvert en février 2012 à Munich va-t-elle, enfin, ­permettre de faire toute la lumière sur l’une des principales ventes spoliatrices effectuées en France durant la seconde guerre mondiale, une vente au cours de laquelle quelque 450 œuvres, des Bonnard, ­Vallotton, Vuillard, Renoir, ­Manet… ont été cédées ?

Parmi les 1 258 toiles découvertes il y a cinq ans dans la collection du fils d’Hildebrand Gurlitt, marchand d’art proche des milieux nazis, une étiquette collée au dos de Portrait de femme, une toile peinte par Jean-Louis Forain en 1881, atteste que celle-ci faisait partie d’une vente aux enchères du « cabinet d’un amateur parisien », qui avait eu lieu au Savoy Palace de Nice du 24 au 27 juin 1942. Une simple recherche permet d’identifier cet « amateur parisien » : il s’agit d’Armand Isaac Dorville (1875-1941), un avocat et homme politique, petit-fils de Léon Dorville, le président de l’œuvre philanthropique La Bienfaisance israélite.

Vente colossale

A l’été 1941, traqué par les ­ordonnances allemandes et les lois de Vichy, Armand Dorville avait trouvé refuge à Cubjac en Dordogne, où il mourut en 1941. Les héritiers nus-propriétaires de Dorville, de confession juive, ne pouvaient entrer en possession de la succession de leur frère et oncle. Un administrateur provisoire désigné par le Commissariat général aux questions juives se chargeait d’obtenir rapidement le règlement de la succession en général et de la collection d’art en particulier. Il s’agissait d’organiser au plus vite une vente colossale et d’en assurer le succès.

Dans un souci de publicité, une annonce paraissait bientôt dans La Gazette de l’Hôtel Drouot. La vente se fit à Nice, une ville située en zone ­libre où résidaient sans doute moins de spécialistes des œuvres mais davantage de ­riches acheteurs potentiels. Répartie en 450 lots, la vente comprenait quatre toiles de Pierre Bonnard, cinq...



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