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1,224 documents identifiés dans les collections de l’INHA

1998
1970
1945
Connaissance des arts 18 Novembre 2020
Par Iseult Cahen-Patron

La bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) vient d'achever son opération de signalement d’ouvrages spoliés pendant l’Occupation. Ce travail fastidieux a permis de renseigner l'historique de 1 224 documents.


L'INHA a relevé un défi de taille : identifier dans ses collections les documents spoliés lors de la Seconde guerre mondiale

Bien qu’elles soient moins étudiées et médiatisées que celles des œuvres d’art, les spoliations de livres au cours de la Seconde guerre mondiale, ont été nombreuses. Entre 1945 et 1950, la sous-commission des livres de la Commission de récupération artistique parvient à restituer aux propriétaires ou aux ayants droit une partie des titres spoliés. Néanmoins, une grande quantité des ouvrages restants, faute d’attribution, est déposée dans différents fonds de bibliothèques conservant le mystère autour de leur histoire.

Une recherche de longue haleine

Grâce au travail de Juliette Robain (responsable des imprimés anciens et estampes anciennes au service du patrimoine), de Stefano Sereno (bibliothécaire) et de Caroline Fieschi (cheffe du service du patrimoine de la bibliothèque de l’INHA), l’INHA a relevé un défi de taille : identifier dans ses collections les documents spoliés lors de la Seconde guerre mondiale. Les documents, entrés dans les collections par diverses voies, sont principalement issus de deux fonds : celui de la Bibliothèque d’art et d’archéologie (649 documents) et celui de la Bibliothèque centrale des musées nationaux (575 documents).


Planche Courses de testes, disposition des cinq quadrilles dans l’amphithéâtre, première journée, dans Charles Perrault, Esprit Fléchier, Course de testes et de bague faittes par le Roy, et par les princes et seigneurs de sa cour, en l’année 1662, Paris, 1670. Livre entré dans les collections de la BAA en 1950 par attribution de la Commission de choix de la récupération artistique

Cette opération consistant à retracer la provenance des documents des collections a été amorcée dès 2016. Entreprise par Martine Poulain, directrice du département de la bibliothèque et de la documentation de l’INHA de 2002 à 2013, elle s’inscrit dans un vaste chantier d’identification de la provenance des collections engagé par les bibliothèques de France. Dès sa nomination à la direction de l’INHA, en 2016, Éric de Chassey a souhaité que l’établissement engage un programme d’envergure sur la provenance de ses collections. Bien que la mission arrive aujourd’hui à son terme, l’INHA n’exclut par de possibles  « nouvelles découvertes ».

Quatre types de provenance

Pour mener à bien cette enquête de traçabilité, une méthodologie précise a été appliquée permettant de distinguer quatre grands types de provenance des documents spoliés ayant intégré les fonds de la bibliothèque de l’INHA. Le premier est celui des Commissions de choix de la Récupération artistique (1949 – 1953) qui a mis en dépôt un certain nombre de documents, dont des recueils d’estampes et des livres anciens, des périodiques ou autres catalogues de ventes. La consultation et l’étude de la liste de ces documents, conservée aux Archives nationales, ont permis de renseigner l’historique de chaque document dont un catalogue d’exposition, rédigé par Charles Oulmont (1883-1984), intitulé 68 dessins de Fragonard : souvenir de son voyage à Rome et à Florence.


Registre d’inventaire de la BCMN de 1951, comportant des achats aux Domaines sous la mention «Acq. Récupération 1951» dans la colonne «Provenances»

La deuxième voie de provenance concerne l’administration des Domaines, service chargé entre autres d’administrer et vendre des biens mobiliers immobiliers de l’État. Au début des années 1950, les instances de restitution des biens spoliés liquident près de 300 000 livres aux Domaines. La Bibliothèque centrale des musées nationaux (BCMN) fait alors l’achat d’environ 87 000 volumes. Aujourd’hui 522 documents provenant de cette source ont été identifiés et signalés comme spoliés dans les collections de l’INHA.

Le troisième type de source est celui du Service français de récupération en Allemagne, qui a œuvré de 1945 à 1949 sous la direction de la Commission de récupération artistique. Dans ce cadre, quarante titres spoliés ont été mis au jour. Le quatrième et dernier circuit d’entrée de documents spoliés est celui des dons de la Direction des musées nationaux, reçus entre 1946 et 1947. Probablement issus d’un lot abandonné par les Allemands au Jeu de Paume, les ouvrages ont pu être identifiés grâce à la présence d’ex-libris, vignettes indiquant le nom du propriétaire. Une comparaison des ex-libris avec les noms figurants sur la liste du Mémorial de la Shoah a permis d’identifier les propriétaires originelles.


Ex-libris d’Harrÿ Seligsohn et bandelette de papier masquant
son nom, décollée en 2020 lors du travail d’identification des
livres spoliés. Livre : Karl Voll, Memling : des Meisters Gemälde in
197 Abbildungen, Stuttgart, Leipzig, 1909. Livre entré dans
les collections de la BCMN par don de la direction des Musées
nationaux en 1946

Vers des restitutions ?

L’INHA a transmis les informations qu’elle détient sur ses propres collections à la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945. Ce signalement pourra éventuellement aboutir à des restitutions aux ayants droit des propriétaires spoliés. À l’INHA, ce vaste projet documentaire et mémoriel se manifeste dans la programmation annuelle, avec l’organisation de cycle de conférences et la communication autour de projet de recherche sur ce sujet, tel que  « Répertoire des acteurs du marché de l’art sous l’Occupation », dirigé par Inès Rotermund-Reynard.




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