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Pour trancher dans l'affaire du Pissaro spolié, le tribunal de Paris se repose sur un médiateur

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Le Figaro 15 December 2020
 

La Bergère rentrant des moutons fait toujours l'objet d'une bataille judiciaire indécise entre l'université de l'Oklahoma à qui elle avait été léguée et une descendante de Raoul Meyer, spolié par les nazis.


Si les deux parties ne parviennent pas à un accord malgré le médiateur, le tribunal tranchera le 2 mars sur la mise sous séquestre du tableau

Le tribunal de Paris a ordonné mardi aux parties impliquées dans le sort d'une œuvre du peintre Camille Pissarro, spoliée par les nazis, de rencontrer un médiateur pour tenter de trouver un accord. En cas de désaccord persistant le tribunal tranchera le 2 mars sur la mise sous séquestre du tableau. D'ici à cette date, le tribunal doit examiner l'affaire sur le fond le 19 janvier.

La toile La Bergère rentrant des moutons, peinte en 1886, est au centre d'une bataille judiciaire entre l'université de l'Oklahoma, à laquelle elle avait été léguée par des collectionneurs, et Léone-Noëlle Meyer, 81 ans, fille adoptive de son ancien propriétaire Raoul Meyer, spolié par les nazis en 1941. L'œuvre, un des premiers tableaux pointillistes de Pissarro, faisait partie de la collection de Raoul Meyer et Yvonne Bader, fille du fondateur des Galeries Lafayette. Léone-Noëlle Meyer, unique héritière de Raoul Meyer qui a dirigé les Galeries Lafayette de 1944 à 1970, se bat pour que le tableau, temporairement exposé au musée d'Orsay à Paris, puisse y rester.

Après la guerre, le tableau avait été repéré en Suisse et vendu à un galeriste new-yorkais, David Findley, qui l'a revendu en 1957 à un couple de collectionneurs américains, Aaron et Clara Weitzenhoffer. À la disparition de sa femme, Aaron Weitzenhoffer a légué 33 tableaux impressionnistes, dont La Bergère, au musée Fred Jones Jr de l'université d'Oklahoma.

Ayant retrouvé la trace de l'œuvre grâce à Internet, Léone-Noëlle Meyer a décidé d'engager en mai 2013 une action en restitution devant la justice américaine. Au terme d'un long bras de fer, l'université américaine a finalement consenti à un règlement amiable en février 2016. Mais les termes de cet accord posent de sérieux problèmes, a indiqué à l'AFP l'avocat de la vieille dame, Ron Soffer. Selon la version française de cet accord, le titre de propriété de l'œuvre d'art doit revenir in fine à Léone-Noëlle Meyer mais la version originale en anglais évoque un «acte de renonciation» (quit claim) de Mme Meyer sur le tableau.

L'accord stipule également que le tableau, après avoir été exposé cinq ans en France, entame une rotation perpétuelle, par phases de trois ans, en Okhlahoma puis en France. Selon cet accord le tableau devrait ainsi revenir pour trois ans aux États-Unis en juillet 2021. L'accord prévoit également que Léone-Noëlle Meyer lègue le tableau de son vivant à un musée français à condition que ce musée s'engage à respecter, à ses frais, le principe de rotation perpétuelle.

Le musée d'Orsay, à qui Léone-Noëlle Meyer a voulu faire une donation du tableau, a refusé. «Ce serait s'engager à des charges financières illimitées dans le temps», a expliqué M. Soffer, qui explique que Mme Meyer s'est fait «piéger» par la partie américaine. «Les obligations perpétuelles sont interdites par le droit français», dit-il. Si le tableau revient en Oklahoma en juillet 2021, il pourrait bien y rester définitivement, craint-il. Du côté américain, un juge fédéral a donné à Léone-Noëlle Meyer jusqu'au 28 décembre pour qu'elle renonce à ses poursuites devant la justice française sous peine de sanctions.


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