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La bergère de Pissarro, spoliée par les nazis, enflamme les justices française et américaine

1998
1970
1945
Le Parisien 3 March 2021
Par Céline Carez

Une audience se tenait hier matin au tribunal judiciaire de Paris. Léone Meyer, 81 ans, se bat contre un musée américain pour qu’on lui restitue le Pissarro de son père, spolié par les nazis pendant la Guerre.


C'est une petite bergère, coiffée d'un fichu rouge et flanquée de ses moutons, qui met le feu à la justice américaine et française.

Ce mardi matin, La bergère rentrant ses moutons, de l'impressionniste Camille Pissarro (1886), exposé temporairement au musée d'Orsay (VIIe), estimé à 1,5 million d'euros, s'est invitée au tribunal judiciaire de Paris.

L'affaire, sur fond d'occupation nazie, de spoliation d'œuvres d'art, de collaboration française, a mobilisé trois juges, trois avocats français, opposés à trois du côté américain, dont un fraîchement débarqué de l'avion. « Ce n'est pas des petits avocats comme nous, tacle avec un brin de gouaille Jacques Fourvel en pleine audience, sur les bancs des Frenchies. Là, ce sont des frais d'avocat à 500 000 dollars ! »

Tout commence en 1942 avec une petite fille. Léone, 3 ans, est arrachée à ses parents, déportés à Auschwitz. L'orpheline est ensuite adoptée à l'âge de 7 ans par un couple : les Meyer. C'est leur unique enfant, choyée. Raoul Meyer, patron des Galeries Lafayette de 1944 à 1970, est aussi un fin collectionneur d'art. Il achète la Bergère et d'autres tableaux. En 1941, les nazis pillent sa collection.

A la fin de la guerre, Raoul se met à la recherche de ses tableaux, en récupère quelques-uns. En 1951, il localise sa bergère en Suisse et tente, en vain, de la récupérer.

Un tableau retrouvé en Oklahoma

Le tableau disparaît ensuite pendant 43 ans. En 2000, Leone, qui a repris le flambeau, retrouve la Bergère aux USA, dans le musée de l'université de l'Oklahoma, l'un des plus gros campus américains. C'est un riche couple qui en a fait don, avec d'autres toiles de maîtres, au musée de l'Université. Leur fils y a fait ses études… « Aucune recherche sur la provenance du propriétaire légitime », s'agace Ron Soffer, l'avocat de Leone depuis un an. Olivier de Baecque, avocat des Américains, qui reconnaît « un aspect hautement émotionnel » à ce dossier se défend : « Ces gens ne sont pas les spoliateurs nazis. Ils ont acheté le tableau dans une galerie qui a pignon sur rue ».

Qu'à cela ne tienne. Leone lance alors une procédure contre le musée. La vieille dame veut récupérer sa Bergère pour en faire don au Musée d'Orsay (VIIe), « à disposition de tout le monde ». Côté américain, des batteries d'avocats se mettent en marche.

Des familles d'étudiants réclament sa restitution

Le sujet « impressionniste » qui fait, à l'époque, la Une des médias outre atlantique, enflamme et divise le campus. En 2015, des étudiants - dont les parents payent par an quelque 30 000 euros rien que pour les frais de scolarité - louent carrément un petit avion comme ceux qu'on voit l'été sur les plages, traînant des banderoles publicitaires. Le soir de match de foot, le coucou survole le stade bondé à basse altitude, brandissant un « Return the stolen art » («Rendez le tableau volé») !

 

 

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